Trois cultures en deux ans, pas d’impasse sur l’irrigation
La réussite d’une culture de printemps en dérobée requiert la mise en place d’un itinéraire technique rigoureux.
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Est-il rentable de cultiver trois cultures en deux ans ? Avec une dizaine de partenaires, les chambres d’agriculture de l’Occitanie et de la Nouvelle-Aquitaine ont tenté d’y répondre en suivant, pendant quatre ans, 135 parcelles chez des agriculteurs pratiquant cette technique, des essais en station expérimentale ainsi que des essais virtuels par modélisation.
Ce projet « 3C2A », mené entre 2019 et 2022 et dont les résultats ont été présentés le 1er juin 2023, a principalement ciblé le tournesol, le soja et le sarrasin en dérobés. Dans le cas du soja, les parcelles agriculteurs sont limitées à l’Occitanie et aux Pyrénées-Atlantiques, « la somme de température nécessaire à l’atteinte du stade de maturité physiologique n’étant pas obtenue chaque année au nord de la Nouvelle-Aquitaine », précisent les chambres.
En moyenne sur les quatre ans en parcelles, la récolte de tournesol s’est établie à 12 q/ha, avec des pics à 25-26 q/ha dans l’Aude et le Gers. Celle de soja a atteint 19,3 q/ha, avec un plus haut à 30 q/ha dans les Pyrénées Atlantiques où les conditions climatiques ont été propices à la double culture. En sarrasin, la moyenne a atteint 6,5 q/ha, avec jusqu’à 19 q/ha dans les Pyrénées-Atlantiques.
En soja et tournesol, les meilleurs rendements ont été obtenus sur des parcelles irriguées, notamment aux stades sensibles (levée et floraison). En sarrasin, la majorité des parcelles a été conduite en sec. Les agriculteurs ont implanté des variétés précoces à très précoces en tournesol, 00 et 000 en soja, et majoritairement des semences de ferme en sarrasin.
Irriguer et semer tôt
Au vu de ces suivis, les chambres estiment qu’un semis avant le 9 juillet, couplé à un total pluie et irrigation supérieur à 130 mm sur le cycle, sont nécessaires pour assurer une rentabilité intéressante du tournesol dérobé. « Dans de nombreux cas, un passage au semis associé à un ou deux autres aux stades boutons/floraison est essentiel », ajoutent-elles.
En soja, les semis après le 15 juillet semblent également compromettre les chances de réussite, tout comme un apport d’eau inférieur à 65 mm, ou éloigné des levée et floraison. Les variétés les plus tardives sont les plus productives mais leur cycle, plus long, accroît le risque d’une récolte trop humide avec, de fait, des frais de séchage élevés. C’est pourquoi la précocité variétale associée à un semis tôt, compte tenu de la récolte précédente, est souvent privilégiée.
En sarrasin, les chambres recommandent un total d’eau supérieur à 80-90 mm sur le cycle, dont 25 à 30 mm autour de la floraison, ainsi qu’un semis avant le 19 juillet.
Un sol peu asséché avant les semis induit généralement de meilleurs rendements grâce à une bonne levée. « Il y a donc un compromis à trouver pour préparer un minimum le sol et offrir au système racinaire du tournesol une bonne fissuration, sans l’assécher complètement, souligne Matthieu Abella, ingénieur chez Terres Inovia. Il peut être intéressant d’anticiper cette question du travail du sol avant la culture précédente. L'implantation d'une culture en dérobé est opportuniste, mais je pense que l’improvisation totale est à déconseiller. »
Sur les parcelles suivies, 76 % des agriculteurs ont travaillé leur sol avant l’implantation du tournesol, le plus souvent de manière superficielle. Le semis direct est pratiqué dans la majorité des cas pour le soja et le sarrasin, après une orge d’hiver ou un colza semence. Lorsque le sol est travaillé, il l’est majoritairement de manière superficielle, après un blé.
Gestion des adventices
La gestion des résidus de la culture précédente et du salissement de la parcelle doit également être réfléchie. Par manque d’eau, l’efficacité des traitements peut être compromise. Prudence également, avec un retour trop fréquent du tournesol dans des systèmes du sud ouest où la rotation blé dur-tournesol est souvent pratiquée. « Il faut repenser nos rotations. Mais ces choix dépendent toujours de l’accès à l’irrigation », fait remarquer Jean Luc Vergé, conseiller à la chambre d’agriculture de l’Aude. « Il faut aussi avoir en tête qu’avec un sol occupé pendant l’été, on ne peut nettoyer mécaniquement sa parcelle », ajoute Matthieu Abella.
Si cette stratégie est aujourd’hui adaptée au Grand Sud-Ouest, elle pourra gagner du terrain avec le changement climatique et le développement des variétés très précoces, en tournesol notamment.
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